Cycle 2012-2013 : Religion et politique en Islam

Du 8 janvier au 21 mai 2014

Mardi, de 18h à 20h
Amphithéâtre François Furet, 105 bd Raspail, 75006 Paris

Présentation

S’il est un point de convergence - paradoxal - entre l’islamiste militant et l’homme de la rue occidental, c’est bien le postulat d’un Islam qui ignorerait la séparation entre le temporel et le spirituel. En assignant au croyant un idéal politique à respecter, cette affirmation fournit aux premiers une rente de situation et aux seconds une grille de lecture aussi simpliste qu’inquiétante. Un temps bousculé par l’irruption des printemps arabes, ce schéma s’est vu confirmé par les élections qui ont suivi : après la Turquie, le Maroc, la Tunisie et l’Egypte ont porté démocratiquement au pouvoir des partis entendant placer la religion au cœur de leur programme. Partout, des foules réclament le « retour à la charia », promesses de lendemains qui chantent  pour certains, annonce d’un hiver fondamentaliste pour d’autres, certitude d’une évolution prévisible pour tous.

Pourtant, l’adage voulant que l’islam soit à la fois religion (din) et Etat (dawla) n’est ni une évidence historique, ni un programme univoque. Derrière les revendications communes d’une nécessaire fidélité à la norme islamique, des interprétations très diverses, voire contradictoires, des notions de « charia » ou d’ « Etat islamique » ont donné lieu à des expériences aussi variées qu’originales dans l’histoire du monde musulman. Au-delà de raccourcis parfois caricaturaux, appréhender le lien entre Islam et politique impose donc des analyses précises, situées dans le temps et dans l’espace. C’est ce que propose ce cycle de conférences :

8 janvier

Autorité, pouvoir et obéissance aux origines de l’Islam

Pierre Lorydirecteur d’études à l’EPHE

A qui, et comment précisément se soumettaient les premiers éléments de la société islamique du premier siècle de l’Hégire ; dans quelle perspective religieuse et politique ? Appliquer une « politique » suppose non seulement la capacité de se faire obéir, mais aussi un sens donné à cette obéissance. Au-delà des constructions théologiques tardives, il est nécessaire ici de revenir aux données historiques de la période de formation de l’Islam.

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15 janvier

Shari’a, droit et États dans l’Islam pré-moderne

Christian Müllerdirecteur de recherche au CNRS

Contrairement à la pensée moderne, qui veut que l’État et ses institutions soient les seuls sièges du droit, la réalité des sociétés musulmanes est très différente. Les liens évolutifs entre la normativité islamique (sharia), l’interprétation du droit par les juristes et le rôle des États dans les institutions judiciaires seront revisités, en intégrant les nouvelles recherches sur la pratique notariale et judiciaire.


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22 janvier

Le califat ottoman

François Georgeondirecteur de recherche émérite au CNRS

Jusqu'à la révolution kémaliste, le souverain ottoman était à la fois sultan de l'Empire ottoman et calife de tous les musulmans. Mustafa Kemal fit abolir le sultanat en 1922 puis le califat en 1924, mettant un terme à l'existence d'une autorité suprême, juridiquement établie, dans l'islam sunnite. Selon une tradition en vigueur alors et parfois invoquée jusqu'à nos jours, le califat serait passé à la dynastie ottomane au début du XVIe siècle, à l'occasion de la conquête de l'Egypte par Selim 1er. C'est en réalité une évolution beaucoup plus complexe qui a conduit à la notion de sultan-calife en vigueur au XIXe siècle, un processus dans lequel on voit le terme de calife prendre des acceptions et des usages variés à travers les âges, et dont seule une enquête historique et critique permet une tentative de reconstitution.


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29 janvier

Les mouvements réformistes musulmans (du milieu du  XIXè siècle à nos jours)

Leyla Dakhlihistorienne, chercheure au CNRS (IREMAM, Aix-en-Provence)

Les mouvements qui apparaissent au milieu des années 1800 dans le vaste monde musulman, réunis sous le vocable islâh (réforme) sont à la fois des mouvements intellectuels et des mouvements de réforme religieuse. Ils développent et appliquent une vision de la religion, de la société et de la pensée qui sont déterminantes pour comprendre le monde arabe et musulman d’aujourd’hui. Pendant longtemps, les études sur la région distinguaient, implicitement ou explicitement, une Nahda « laïque » et un Islâh religieux, voire fondamentaliste. Les travaux les plus récents soulignent plutôt les liens nombreux entre ces deux courants de la renaissance intellectuelle arabe et la manière dont ils se nourrissent. C’est cette complexité qui caractérise la modernité de ce réformisme musulman et sa postérité, à la fois sous la forme d’un islam intellectuel ouvert à l’interprétation et de partis islamistes, voire de mouvements plus radicaux.


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5 février

Les Frères musulmans égyptiens, des origines au défi du pouvoir

Stéphane Lacroixprofesseur à l'Ecole d'affaires internationales (PSIA) de Sciences Po et chercheur au CERI.

L'histoire des Frères musulmans, organisation fondée en 1928, épouse en quelque sorte celle de l'Egypte contemporaine. Force politique (presque) comme les autres sous la monarchie, les Frères sont durement réprimés sous Nasser, avant d'être réhabilités sous Sadate, puis tolérés, bien qu'officiellement interdits, sous Moubarak. Avec le temps, ils ont bâti de puissants réseaux, véhicules d'une influence massive sur la société égyptienne. C'est cela qui leur a permis de s'imposer comme première force politique de l'après-révolution, s'emparant même de la présidence de la République. Au fil de son histoire, la confrérie s'est transformée, et son idéologie a connu des évolutions importantes. L'épreuve du pouvoir accélère aujourd'hui ces dynamiques. C'est ce paysage organisationnel et idéologique en mouvement que la présente conférence s'efforcera d'analyser.


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12 février

Un islam républicain est-il possible ?

Jean-François Bayartdirecteur de recherche au CNRS(SciencesPo-CERI)

L’expression « islam républicain » sonne comme une provocation. Néanmoins, pourquoi douter de la compatibilité de l’islam avec la République quand des centaines de millions de musulmans vivent sous ce régime ? En République, ce qui ne veut pas forcément dire en démocratie. Mais ce qui ne l’exclut pas. Inversement, la laïcité a souvent légitimé l’autoritarisme.  L’islam, en soi, n’explique rien, notamment pas la diversité des trajectoires républicaines dans les pays musulmans. Son interprétation, sa pratique divisent les croyants autant qu’elles les réunissent. L’islam républicain résulte de son interaction avec l’Etat et avec le marché, bref de l’histoire générale, plutôt que de la seule religion.  Ce qui nous ramène au pragmatisme principiel des fondateurs de la III° République française, « opportuniste » et « transactionnelle ». L’islam est soluble dans la République, pourvu qu’on lui en laisse le temps et que l’on retrouve le sens des proportions.


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19 février

Salafisme yéménite et rapport au politique

Laurent Bonnefoychercheur au CNRS/CERI

Le courant salafiste yéménite, apparu au cours des années 1980, s'est longtemps structuré autour d'une prétention apolitique et d'un rejet explicite de l'activité partisane. Son fondateur, Muqbil al-Wadi'i (disparu en 2001), en a fait le principal marqueur dans un contexte yéménite pourtant caractérisé par la compétition électorale et l'adoption par la majorité des acteurs d'un discours sur la "transition démocratique". Le tournant révolutionnaire du "printemps arabe" de 2011, comme ailleurs dans la région, a favorisé un processus de politisation du salafisme. Ce dernier a dès lors émergé, à travers ses différentes incarnations, en tant que force significative qui vient concurrencer sur le terrain de la norme religieuse les autres courants de l'islamisme, en particulier les Frères musulmans. Cette conférence s'attachera à analyser le virage vers la politisation du salafisme et à inscrire celui-ci à la fois dans le temps long et dans le contexte post-Salih.

26 février

La dimension politique de l'islam malien: continuité et ruptures dans la longue durée

Francesco Zappamaître de conférences en islamologie, Université d’Aix-Marseille

Les évènements traumatiques qui ont frappé le Nord du Mali depuis 2012 ont marqué une brusque rupture avec l’image répandue de l’islam dans ce pays. Mais peut-on ramener à un modèle unique les relations qui se sont nouées entre l’islam et le politique tout au long de plus d’un millénaire d’histoire de l’islamisation du Mali ? Cette conférence, essayera de mettre en perspective les bouleversements en cours, en les situant par rapport à des processus historiques relevant de la longue durée.


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19 mars

Les microfondations de la guerre civile algérienne (1992-2004) : nationalisme versus djihadisme

Selma BelaalaMarie Curie Advanced Researcher), Politics and International Studies, PAIS, The University of Warwick, UK

La guerre civile qui a confronté le pouvoir algérien au jihadisme entre 1992 et 2004, et qui a fait des dizaines de milliers de morts, a été l’un des premiers et des plus violents conflits opposant nationalisme et islamisme dans le monde musulman. La conférence reviendra sur ces événements, à partir d'une analyse anthropologique et politique des protagonistes locaux : les djihadistes, les islamistes du FIS et les milices patriotes. Elle aidera à comprendre la polarisation islamisme/djihadisme actuelle, au lendemain des révoltes et au moment des transitions politiques dans plusieurs pays arabes. 

26 mars

Islam et Etat dans l’Europe occidentale : quelles relations, quelles politiques ?

Franck Fregosidirecteur de recherche CNRS (UMR PRISME/Strasbourg, chargé de cours Institut d'études politiques d'Aix en Provence)

L'Europe continentale compterait aujourd’hui plus de 44 millions de personnes de culture musulmane, soit 6 % de sa population globale et 3 % des musulmans mondiaux. Cette réalité sociodémographique constitue avec la perte d’emprise sociale des Eglises établies, l’une des caractéristiques majeures du paysage religieux européen. S’interroger sur les rapports existant entre les communautés musulmanes et les Etats européens revient à dresser un état des lieux du devenir institutionnel de l’islam européen d’une part (degré d’institutionnalisation) et d’autre part à analyser les types de gestion publique du fait islamique mises en œuvre dans les sociétés européennes (politiques publiques musulmanes).


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2 avril

Droit, islam et politique dans les printemps arabes

Jean-Philippe Brasprofesseur de droit public, Université de Rouen, président du conseil scientifique de l’IRMC et du Centre Jacques Berque.


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9 avril

Usage politique de l’islam et sécularisation au Maroc

Hassan Rachikprofesseur de l’enseignement supérieur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l’Université Hassan II.

Il n’est pas suffisant d’affirmer qu’historiquement l’islam et la politique étaient fortement liés.  Encore faut-il se poser la question de savoir si nous sommes devant  un  même lien, ou si, suite aux changements structurels que le Maroc et d’autres pays musulmans ont connus, nous pouvons déceler des variations, voire des tensions entre différents types d'usages politiques de l'islam. Nous examinerons ces types d'usages en rapport avec la question de la sécularisation, en insistant sur quelques acteurs, notamment les nationalistes et la monarchie.
Nous souhaitons, partant de processus concrets, montrer comment des structures politiques (acteurs en compétition, enjeux...) et  des idéologies dominant les époques en question (nationalisme, arabisme, fondamentalisme) affectent  l’orientation politique de l’islam.


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16 avril

L’islamisme sunnite et chiite au Liban à l’aune de la crise syrienne

Bernard Rougierdirecteur du CEDEJ, MAEE/CNRS USR 3123

La crise syrienne a provoqué au Liban des réflexes de solidarité politique et communautaire de sens contraires – hostiles ou favorables au régime syrien – et place les acteurs locaux au cœur de multiples contradictions. L’étude des évolutions de l’islamisme au Liban, dans ses variantes chiite et sunnite, permettra d’analyser ces contradictions ainsi que leurs modalités d’inscription dans un cadre régional plus vaste.

23 avril

Les musulmans des Balkans : quel passage au politique ?

Xavier Bougarelchargé de recherche au CNRS

Les musulmans des Balkans, réduits au statut de minorités religieuses par le reflux et la disparition de l’Empire ottoman, se sont d’abord caractérisés par leur allégeance aux nouveaux Etats balkaniques, et le repli sur leurs institutions religieuses. Sauf dans le cas particulier de l’Albanie, pays laïc et majoritairement musulman, leurs identités nationales ne se sont vraiment cristallisées qu’après la Seconde guerre mondiale. Avec l’effondrement du communisme, le passage au politique des musulmans balkaniques s’est traduit par des formes variées d’organisation partisane et de mobilisation nationaliste, et par la formation de deux nouveaux Etats à majorité musulmane : la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.


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14 mai

L'islam politique deux ans après le printemps arabe

Patrick HaenniSenior advisor au Centre pour le Dialogue Humanitaire (Genève)


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21 mai

Une démocratie musulmane est-elle possible ? Réflexions autour du cas indonésien.

Rémy Madinierchargé de recherche au CNRS et co-directeur de l’IISMM

Premier pays musulman du monde par le nombre de croyants, l’Indonésie a donné naissance, dans les années 1945-1960,  à l’une des tentatives les plus abouties pour concilier principes islamiques et démocratie. Bien au-delà de l’Asie du Sud-Est, cette première expérience méconnue d’un islamisme en situation de pouvoir est riche d’enseignements quant aux possibilités et aux difficultés d’une recherche de compromis entre norme religieuse et exigence de pluralisme.


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