2021 : Prix Michel Seurat

Le Prix Michel Seurat, institué en 1988 par le CNRS, « vise à aider financièrement chaque année un jeune chercheur, ressortissant d’un pays européen ou d’un pays du Proche-Orient ou du Maghreb, contribuant ainsi à promouvoir connaissance réciproque et compréhension entre la société française et le monde arabe ».

Depuis 2017, l’organisation du Prix a été déléguée au GIS Moyen-Orient et Mondes Musulmans, en partenariat avec l’IISMM (EHESS-CNRS) et Orient XXI. 2021 marque la 32e édition du prix. 26 candidatures ont été reçues. 20 dossiers ont été déclarés éligibles et ont été examinés.

Le jury, désigné par la direction du GIS Moyen-Orient et Mondes Musulmans, s’est réuni le 11 juin 2021 pour élire le lauréat. Suite aux délibérations, le prix est attribué à :

Gehad ELGENDY dont le projet de thèse s’intitule « Les ‘’altérations’’ génitales féminines médicalisées en Égypte. Sexualité, médecine et gouvernement des corps », en préparation à l’Université de Bordeaux sous la direction d’Isabelle Gobatto.

Résumé de la thèse
Cette thèse intitulée « Les ‘’altérations’’ génitales féminines médicalisées en Égypte. Sexualité, médecine et gouvernement des corps », en préparation à l’Université de Bordeaux sous la direction d’Isabelle Gobatto, se trouve à la croisée de l’ethnologie et de l’anthropologie sociale et culturelle. Mme Elgendy pose dans ce travail la médicalisation du corps féminin et des pratiques en relation avec la sexualité comme un phénomène social historique et diachronique, qu’elle appréhende sous l’angle des modifications ou des altérations génitales telles qu’elles se déploient dans la société égyptienne, et plus précisément dans l’Égypte urbaine. L’une des singularités de ces altérations est à trouver dans un continuum de pratiques qui se côtoient en milieu médical, allant de l’excision aux chirurgies cosmétiques. À partir d’ethnographies de ces pratiques, situées dans leur cadre signifiant, il s’agit dans ce travail de rendre compte des expériences vécues par les femmes autour de ces altérations/modifications d’une part, et des expériences des professionnels engagés dans ces interventions d’autre part. L’intention de la doctorante est d’étudier les représentations sociales de ces pratiques, et le sens qui leur est attribué par trois groupes d’acteurs : l’État, le corps médical, et les femmes, aux appartenances sociales diverses, qui sont à l’image de l’hétérogénéité de la société égyptienne. Elle entreprend également d’analyser les transitions culturelles contemporaines qui s’ancrent dans le corps et la sexualité des femmes, et conjointement les formes contemporaines de « gouvernement des corps » féminins modelés, à la fois physiquement et symboliquement, par une régulation publique et un « savoir technique » médical. Cette thèse, qui s’appuie sur une enquête de terrain prolongée menée à Alexandrie et au Caire, s’inscrit dans une pratique d’anthropologie réflexive et critique pour étudier les pratiques de modelage des corps (Guillaumin, 1992 ; Kilani, 1998 ; Martin et al., 2015), ici du corps féminin, et plus particulièrement du sexe des femmes. Elle s’inscrit également dans un courant de recherche féministe développé depuis une décennie dans la littérature anglophone (Pedwell, 2007 ; Jordal et Griffin, 2018 etc.) et plus récemment dans la recherche francophone (Erlich, 2007 ; Martin, 2014 ; Bader, 2018 ; Lesclingand, 2019). Ce courant interroge les termes de la comparabilité entre différentes pratiques de « modifications » génitales perçues comme opposées. La recherche de Mme Elgendy s’inscrit donc dans la filiation d’une anthropologie du corps, convoquant le genre, et l’étude de la fabrique de normes sociales.

Le jury a également remarqué le travail des candidates et candidats classés en deuxième, troisième et quatrième positions et souhaite souligner leur excellence :

  • En deuxième position, Sixtine Deroure, pour sa thèse de sociologie politique intitulée « L’État et ses martyrs : deuil public, institutionnalisation du martyre et luttes politiques dans l’Égypte postrévolutionnaire », préparée à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne sous la direction de Sarah Ben Nefissa.
  • En troisième position, Mohamed Slim Ben Youssef, pour sa thèse de science politique intitulée « Consentement et protestation dans les mondes du travail dans la Tunisie post-2011 : une sociologie comparative », préparée à l’IEP d’Aix-en-Provence et à l’IRMC (Tunis) sous la direction d’Éric Gobe et Amin Allal.
  • Et en quatrième position, Alix Chaplain, pour sa thèse de sociologie intitulée « La diversification des configurations de fourniture d’électricité au Liban : vers une différenciation territoriale et sociopolitique des pratiques d’accès», préparée à Sciences Po (CERI) sous la direction d’Éric Verdeil.

Le jury, présidé par Iyas Hassan, Professeur de littérature arabe à Sorbonne Université, était composé de :

  • Frédéric Abécassis, Maître de Conférences, Directeur des Études à l’Institut français d’archéologie orientale (IFAO), Le Caire.
  • Emma Aubin-Boltanski, Directrice de Recherche au CNRS, Centre d’études en Sciences sociales du religieux (CéSor).
  • Belkacem Benzenine, Chercheur, Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle (CRASC), Oran.
  • Laurent Bonnefoy, Chargé de Recherche au CNRS, Centre français de recherche de la péninsule Arabique (CEFREPA), Mascate.
  • Séverine Gabry-Thienpont, Chargée de Recherche au CNRS, Institut d’ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (Idemec).
  • Alia Gana, Directrice de Recherche au CNRS, laboratoire Dynamiques sociales et recomposition des espaces (LADYSS).
  • Alain Gresh, journaliste, représentant d’Orient XXI
  • Hanan Kassab-Hassan, Professeure des Universités retraitée, ancienne doyenne de l’Institut Supérieur des Arts Dramatiques de Damas.
  • Chantal Verdeil, Professeure des Universités, Institut National des Langues et Civilisations Orientales (Inalco).